
Le philosophe français Jean-Loup Bonnamy avait déclaré dans le Figaro le 6 novembre 2020 que :
« Vouloir arrêter une épidémie avec le confinement, c’est comme vouloir arrêter la mer avec ses bras. »
Bonnamy avait qualifié de « psychose collective » l’épidémie du Covid-19 dans un tract qu’il avait publié dans les éditions Gallimard co-écrit avec Renaud Girard. Dans son entretien, il qualifie le confinement d’un « remède passéiste et archaïque, une sorte de ligne Maginot ».
Que dit la Science ?
Des études statistiques ont été effectuées, qui traitent les données des hospitalisations dans des pays qui ont confiné et des pays qui n’ont pas confiné. Pourtant, c’est difficile à prouver concrètement que le confinement a aidé ou pas à contrôler l’épidémie. Les données ne sont pas facilement comparables et elles sont ouvertes à des interprétations diverses, les résultats sont contradictoires par rapport aux modèles utilisés.
Peut-on acquérir une connaissance objective sur ce sujet ? On pourrait évoquer le motif de la courbe de l’évolution de la mortalité : le nombre de morts par jour, qui reste le critère le plus fiable d’une épidémie. Si le confinement avait un impact, on devrait pouvoir constater un fléchissement de cette courbe, dans un délai de 2 semaines de la mise en place du confinement. Dans ce cas, ce fléchissement serait dû au fait que la population est confinée et qu’il n’y a plus d’interactions sociales. Si on juxtaposait les courbes de deux pays, un pays qui a confiné en période épidémique et un pays qui n’a pas confiné, on devrait pouvoir constater cet effet du confinement. Notamment, dans la courbe du pays qui a confiné, on devrait pourvoir constater un fléchissement de la courbe, tandis que dans la courbe du pays qui n’a pas confiné, la mortalité devrait continuer à monter jusqu’à arriver à un pic épidémique plus haut. Ainsi on aurait prouvé l’efficacité du confinement, qui aurait sauvé des vies.
Est-ce le cas ?
Mettons cette théorie à l’épreuve. Dans le graphique ci-dessous, publié dans les Financial Times, on juxtapose les courbes de mortalité de deux pays, un qui a confiné (la Grande Bretagne), un qui n’a pas confiné (la Suède). Les deux pays ont subi des vagues épidémiques les mêmes périodes. Il y a de différences en densité démographique entre les deux pays. Cela vient du fait que la Suède possède des vastes espaces vides mais aussi des métropoles denses, comparables aux villes anglaises en matière de densité (par exemple : 13 000 habitants par mile carré à Stockholm et 10070 habitants par mile carré à Liverpool). La densité globale ne reflète pas la concentration réelle de la population urbaine, qui est similaire entre les deux pays. En tout cas, le facteur décisif de l’évolution d’une épidémie ce sont les interactions sociales, qui sont de plus forte intensité dans un pays qui n’a pas confiné comme la Suède par rapport à un pays qui a confiné comme la Grande Bretagne. Les données de mortalité de ces deux pays développés sont fiables, les courbes sont juxtaposables :

Que constate-t-on ? Les deux pays suivent les mêmes courbes de mortalité pendant les deux vagues épidémiques (du mars 2020 jusqu’en mai 2020, du novembre 2021 jusqu’en janvier). On ne voit pas dans l’évolution épidémique de l’Angleterre une baisse de la mortalité (par rapport à la Suède) qui pourrait justifier l’argument que le confinement « a sauvé des vies ». Des fléchissements et des rebonds de la mortalité (et donc de la sévérité) de l’épidémie constate-t-on plutôt dans la courbe de la Suède, mais ce n’est pas dans notre démarche de les interpréter.
On conclut que la Suède a suivi depuis le début de cette gestion de crise un paradigme qui met mal à l’aise la gestion épidémique officielle de plusieurs pays dont la France, l’immense groupe témoin d’un pays entier qui a géré différemment la crise, et qui démontre que l’argument selon lequel le confinement est efficace pour contenir le Covid-19 est un argument qui n’est pas solide scientifiquement.
Lectures supplémentaires
La publication scientifique d’Eran Bendavid (et al.) du 5 janvier 2021 dans une revue scientifique prestigieuse (Le Journal Européen de l’Investigation Clinique, European Journal of Clinical Investigation) a créé une controverse publique et fut un de premiers exemples de la polarisation qui s’est créée (et qui s’est durablement installée), autour d’un débat scientifique qui devient progressivement un débat idéologique. L’équipe de ces chercheurs a évalué l’efficacité des mesures de confinement sur l’évolution de l’épidémie dans dix pays, 8 qui ont confiné et 2 qui n’ont pas confiné. L’analyse statistique n’a pas été concluante vis-à-vis des effets présumés significatifs des mesures restrictifs. Cette étude a souvent été critiquée, avec l’argument que l’échantillon de dix pays n’est pas suffisant, ou que l’adhésion de la population aux mesures, un facteur purement qualitatif, est le facteur clé. Bien évidemment, les mêmes arguments peuvent être utilisés pour contester les nombreuses contre-études qui « prouvent » que le confinement est efficace. Il est intéressant à savoir que des membres de l’équipe des chercheurs qui avait publié l’étude qui démontrait que les effets des mesures de restriction étaient non significatifs, ont effectué une étude plus vaste (en preprint) qui inclut des données de 14 pays, dans laquelle, en utilisant trois modèles mathématiques différents, ils prouvent en même temps que : 1. Le confinement est efficace (avec le premier modèle). 2. Le confinement n’est pas efficace (avec le deuxième modèle). 3. Le troisième modèle a démontré que suspendre les évènements publics serait suffisant. Encore plus flagrant de la controverse scientifique de ce sujet : l’étude de Bendavid (et al) empruntait les données d’une étude antérieure, publiée en juin 2021 par l’équipe de Solomon Hsiang (et al.): selon cette étude, qui utilisait les mêmes données, les confinements auraient sauvé 531 millions de vies.
A suivre : Les masques protègent ?
