Cogito et sentio ergo sum

« Cogito ergo sum »

La logique cartésienne imprègne notre mode de pensée, notre mode vie, depuis bien longtemps ; c’est l’héritage culturel de notre pays, de notre civilisation. Mais « je pense donc je suis » n’est pas seulement une citation. A l’instar de nombreuses croyances qui impactent positivement et négativement notre vie, elle distille aussi continuellement l’idée que la pensée est l’essence de l’existence de l’être humain.

En forgeant la dichotomie esprit/corps, mais en plaçant le curseur vers l’esprit, elle donne à la pensée, la primauté, et par conséquent le rôle de commander au corps. En découle alors l’idée, fausse bien sûr, que ceux qui possèdent plus d’esprit, plus de connaissances, acquièrent aussi plus de pouvoir sur le contrôle des corps, les nôtres.

Cela est ainsi devenu l’élément fondateur du point de vue actuel sur la gestion de la crise sanitaire, celui d’un « état sachant » pour qui la tentation est grande d’imposer sa seule pensée et ses seules décisions, entraînant potentiellement des effets dévastateurs sur l’économie et la santé physique et mentale des Français.

Cela a aussi rendu  tout débat inutile, la dissidence cognitive devenant indigne et irrationnelle aussitôt exprimée, alors même que les conséquences sur les corps des Français étaient montrées et mises en avant.

Dans ce monde matérialiste, l’homme cartésien réfléchit pour agir et l’améliorer en utilisant son intellect, l’expérience et l’induction, jusqu’en arriver à sacrifier l’individu dans la balance bénéfice-risque des calculs mathématiques.

Mais si cette logique était incomplète ? Voire fausse ?

« Cogito et sentio ergo sum »

Mais l’homme n’est pas que rationnel. Ses pensées proviennent souvent de ses impressions et sentiments qu’il tire de ses sensations d’être. Ses sentiments s’articulent autour de ses pensées, issues de ses émotions, elles mêmes en lien direct avec ses façons d’agir sur le monde.

L’homme est ainsi une entité physique, corporelle et mentale indissociable, comme il nous le rappelle bien Antonio Rosa Damasio. En employant la logique cartésienne, on le réduit à une unité utilitaire au service des institutions qui œuvrent pour la notion abstraite du bien commun qu’elles ont prédéfinie ou qu’elles définissent selon leur gré, une partie indispensable des mécanismes de l’Histoire.

Mais plus encore que les seules pensées, c’est le fait d’éprouver qui peut mettre en lumière la conscience nécessaire de nos actions, et donc la compréhension de notre présence dans le monde.

Car qu’elles soient physiques ou mentales, nos actions doivent s’accompagner constamment de la perception suffisante d’informations de toutes natures, et nécessaires pour agir et réguler nos activités. Informations sur notre état de mal-être ou non, informations sur les éléments nécessaires à nos vies, informations nous permettant d’évaluer, de comparer, de choisir, de décider et finalement d’agir.

C’est alors notre rapport au monde qui est posé à travers cette citation. J’agis, je pense, mais c’est à travers ce que j’éprouve de ma relation à moi aux autres et au monde qui m’environne que je peux mesurer pleinement mon être, et la place que je peux prendre dans ce monde.

Et c’est ce que le, « je pense, donc je suis », tend à nous faire systématiquement oublier ou mettre à côté, et ce que la gestion de la crise aura fait apparaître comme un paradigme définitivement désuet et dépassé. 

C’est seulement donc si on prend en compte la particularité, la spécificité de chaque individu à organiser et à éprouver, par sa propre efficience, la cohérence du monde qui l’entoure, qu’on pourra créer un nouveau paradigme, au service de l’Humanité, et vers un nouvel Anthropisme.

L’efficience ?